Actualité juridique des Huissiers de Justice

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La reprise des locaux abandonnés

La procédure à suivre

quittance de loyer

Jusqu’au mois d’août 2011, le propriétaire qui voulait récupérer un logement dont le locataire était parti à la cloche de bois devait avoir recours à une procédure d’expulsion, procédure longue et coûteuse.

Afin de favoriser la reprise des locaux abandonnés par le locataire, la loi n°2010-1609 du 22 décembre 2010 relative à l’exécution des décisions de justice, dite loi Béteille, a allégé la procédure permettant au bailleur de faire constater que le logement est abandonné et d’obtenir la résiliation du bail (article 14-1 nouveau de la loi du 6 juillet 1989).

Cette procédure a été précisée par un décret – attendu – du 10 août 2011 (J.O. du 12 août 2011, p. 13848, et rectificatif au J.O. du 10 septembre 2011, p. 15260), entré en vigueur le 13 août 2011.

Ainsi, outre la possibilité de poursuivre la résiliation du bail suivant une procédure ordinaire, sur assignation, il est maintenant possible de former cette demande par requête.

I – MISE EN DEMEURE AU LOCATAIRE DE JUSTIFIER QU’IL OCCUPE LE LOGEMENT
En vertu de l’alinéa 1er de l’article 14-1 de la loi du 6 juillet 1989, lorsque des éléments laissent supposer que le logement est abandonné par ses occupants, le bailleur peut mettre en demeure le locataire de justifier qu’il occupe le logement.

Cette mise en demeure, faite par acte d’huissier de justice, peut être jointe au commandement de payer les loyers (article 24 de la loi du 6 juillet 1989) ou d’avoir à justifier d’une assurance contre les risques locatifs (article 7 de la loi du 6 juillet 1989).

Lorsque le locataire a réellement quitté les lieux et que l’huissier ne connait pas sa nouvelle adresse ou son lieu de travail, il adresse une copie de la mise en demeure à la dernière adresse connue par lettre recommandée avec accusé réception qui vaudra signification à la date de l’envoi de la LRAR.

Le locataire dispose d’un délai d’un mois à compter 1 de cette signification pour justifier qu’il occupe effectivement le logement.

II – PROCÈS-VERBAL DE CONSTAT D’ABANDON DU LOGEMENT
A défaut de réponse du locataire dans le délai d’un mois suivant la signification du commandement, l’huissier peut pénétrer dans les lieux loués en présence du maire de la commune, d’un conseiller ou fonctionnaire municipal, d’une autorité de police ou de gendarmerie, requis pour assister au déroulement des opérations ou, à défaut, de deux témoins majeurs qui ne sont au service ni du créancier ni de l’huissier (article L142-1 du Code des Procédures Civiles d’Exécution).

L’huissier dresse un procès-verbal comportant un inventaire des biens laissés sur place, avec l’indication qu’ils paraissent ou non avoir une valeur marchande.

III – LA NÉCESSAIRE INTERVENTION DU JUGE
L’établissement d’un constat d’huissier d’abandon du logement n’est pas suffisant.

Il faut, ensuite, saisir le juge afin qu’il constate la résiliation du bail, selon des modalités définies par le décret du 10 août 2011.

La demande du bailleur tendant à voir constater la résiliation du bail en vue de la reprise des locaux abandonnés peut être formée par assignation, mais aussi sur requête (article 1er du décret), c’est-à-dire sans que le locataire soit appelé à l’audience.

Remise ou adressée au greffe par le bailleur ou tout mandataire (par exemple l’huissier), la requête doit être accompagnée des pièces justificatives (copie du bail, copie de la mise en demeure, décompte des sommes dues), sans oublier le procès-verbal d’huissier visant à établir l’abandon (article 2 du décret).

Le tribunal se prononce alors sur la résiliation du bail, la reprise des lieux, et, le cas échéant, sur le paiement des arriérés de loyers bail, ainsi que sur l’abandon des meubles dénués de valeur (à l’exception des papiers et documents de nature personnelle qui sont placés sous enveloppe scellée et conservés pendant deux ans par l’huissier).

Si le juge rejette la requête, sa décision est sans recours pour le bailleur qui devra alors assigner son locataire selon les règles de droit commun (article 3 du décret).

IV – SIGNIFICATION DE LA DÉCISION DU JUGE AU LOCATAIRE
A l’initiative du bailleur, une copie de l’ordonnance du juge faisant droit à sa demande doit, dans les deux mois de sa date, être signifiée par huissier au locataire et aux derniers occupants du chef du locataire connus du bailleur.

Le locataire et les occupants de son chef disposent alors d’un délai d’un mois à compter de cette signification pour former opposition auprès du greffe (article 6 du décret).

En l’absence d’opposition l’ordonnance du juge produit les effets d’un jugement passé en force de chose jugée.

Le locataire qui est dans l’impossibilité de former opposition dans ce délai sans faute de sa part peut toutefois obtenir un relevé de forclusion (article 8 du décret). L’exécution de l’ordonnance est suspendue pendant le délai d’opposition ainsi qu’en cas d’opposition formée dans ce délai.

En cas d’opposition le greffier en avise sans délai l’huissier ayant dressé le procès-verbal d’abandon et convoque toutes les parties, même celles qui n’ont pas formé opposition, à une audience.

Le tribunal statuera selon les règles de droit commun, après une tentative de conciliation, et son jugement se substituera à l’ordonnance rendue sur requête (article 7 du décret).

V – PROCÈS-VERBAL DE REPRISE DES LIEUX
Une fois l’ordonnance passée en force de chose jugée, le bailleur peut reprendre son bien suivant une procédure d’expulsion simplifiée, qui lui permet en outre de débarrasser les meubles dénués de valeur sur le sort desquels le juge a statué.

L’huissier dresse un procès-verbal de reprise des lieux qu’il signifie au locataire ayant abandonné le logement (article R451-2 du Code des Procédures Civiles d’Exécution).

Si lors de cette opération de reprise des lieux, l’huissier trouve sur place des meubles sur le sort desquels le juge n’a pas statué (biens paraissant avoir une certaine valeur marchande), le procès-verbal comporte un inventaire de ces biens, l’indication du lieu et des conditions d’accès au local où ils ont été entreposés, une sommation au locataire d’avoir à les retirer dans un délai de 15 jours et une convocation à comparaître devant le juge de l’exécution du lieu de l’immeuble afin qu’il soit statué sur leur sort (article R451-4 du Code des Procédures Civiles d’Exécution).

S’il s’avère à l’occasion des opérations de reprise des locaux que ceux-ci sont à nouveau occupés par la personne expulsée (ou toute personne de son chef), l’huissier peut procéder à leur expulsion sans avoir à obtenir un nouveau titre d’expulsion et sans avoir à délivrer un commandement de quitter les lieux (la signification de la décision ordonnant la reprise des lieux tenant lieu de commandement d’avoir à libérer les locaux).

Source :  http://www.chdp.asso.fr  Revue de l’Habitat – Novembre 2011 – Page 11 et 12

 
  • 7 novembre 2014
  • Jean-Philippe BOUVET
  • Locatif